Chroniques & autres considérations

COULEURS DE L’INCENDIE (Pierre Lemaitre)

C

C’est avec Au revoir là-haut, prix Goncourt 2013, que j’ai découvert Pierre Lemaitre. Sa lecture fut une véritable révélation. Aussi, quel ne fut pas mon plaisir lorsque je découvris que ce roman n’était que le premier d’une trilogie. Couleurs de l’incendie, paru 5 ans après le premier volume sus-cité, nous invite à suivre les tribulations d’un certain nombre de personnages découverts dans le précédent opus. Une question inévitable vient à l’esprit. Est-il possible d’apprécier cet ouvrage sans avoir lu Au revoir là-haut ? Bien que la réponse soit positive, avoir connaissance du passé des différents protagonistes permettra au lecteur de mieux saisir les motivations des uns et des autres. Mais pas d’inquiétude. Si vous souhaitez vous lancer dans ce livre sans préalable, allez-y, tout en sachant le regret que vous pourriez avoir ensuite d’être passé à côté du plaisir de lire en amont le prix Goncourt 2013.

« C’est ce qu’il y a d’agaçant avec les femmes, il faut toujours que tout soit dit, verbalisé, elles sont si peu sûres d’elles-mêmes que la moindre incertitude les jette dans le doute, les fait vaciller, avec elles il faut que tout soit droit, ferme, clair. Officiel. C’était pénible. »

(Couleurs de l’incendie)

L’élément central autour duquel viendra s’articuler l’ensemble du récit est Madeleine, sœur d’Édouard Péricourt. Bien que présente dans Au revoir là-haut, elle ne figurait qu’en arrière-plan tant son frère occupait le devant de la scène. Elle renvoyait l’image d’une femme de son époque, c’est-à-dire assez soumise. Mais déjà, ses actes laissaient percevoir une volonté affirmée. Couleurs de l’incendie achève de lever tout doute qui pourrait persister sur la question. Nous découvrons une femme forte et fière, ne craignant pas d’affirmer son indépendance dans une société encore patriarcale où les femmes ne pouvait pas ouvrir un compte ou faire des études sans avoir l’autorisation de son époux. Ne parlons même pas du droit de vote. Pourtant, c’est bien elle qui va mener la danse tout du long de ces pages.

Lorsque je parcours des chroniques littéraires, il m’arrive parfois de tomber sur des divulgachages de l’intrigue qui me font maudire son auteur. Afin de ne pas me voir voué aux gémonies, je m’efforce dans mes modestes chroniques de de ne jamais trop en dévoiler sur l’intrigue. Sachez simplement que Madeleine, en femme trahie et ruinée, n’aura de cesse de se venger de ceux qui furent la cause de sa chute et, par ricochet, de celle de son fils Paul.

Un constat d’évidence, Pierre Lemaitre est un conteur né. Une nouvelle fois, à travers une riche galerie de personnages, il nous emmène dans les grandeurs et les petitesses de l’âme humaine, s’inscrivant dans les traces d’un Balzac lorsqu’il dissèque les vices et vertus de la société. Par delà cette aventure personnelle, il inscrit à merveille son récit dans une période historique mouvementée et complexe, celle de l’entre-deux-guerres avec un contexte social et politique mouvementé qui permet à l’écrivain d’aborder sous un jour historique de nombreuses thématiques :  la place du handicap, celle des femmes, le capitalisme, la fraude fiscale, le traitement de l’information, l’arrivée du nazisme et du fascisme,… (liste non exhaustive). Ce tableau d’une époque nous renvoie en miroir, parfois de façon saisissante, la notre.

En lisant les critiques, il me semble qu’un nombre non négligeable de lecteurs lui ont préféré Au revoir là-haut. Sans doute y a-t-il ici moins de légèreté et de cynisme. L’ambiance est plus pesante, voire parfois dramatique. Cela n’empêche pas Pierre Lemaitre, avec Couleurs de l’incendie, de signer un roman majeur qui continue de tracer le sillon à succès initié par son prédécesseur.

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