Chroniques & autres considérations

1991 (Franck Thilliez)

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Si je connaissais de réputation Frank Thilliez, jamais encore je n’avais lu l’un de ses romans.1991 fut donc ma première rencontre avec l’auteur. J’avais entendu beaucoup de bien de ce roman, porté aux nues par bon nombre de lecteurs. Aussi est-ce avec grand intérêt que je me suis immergé dans ce thriller qui nous emmène accompagner dans sa toute première enquête Franck Sharko, frais émoulu de l’école des inspecteurs et débarquant au prestigieux 36 quai des Orfèvres. Pour les aficionados de Frank Thilliez, ce personnage n’est pas un inconnu puisqu’il apparaissait déjà en 2004 dans Train d’enfer pour ange rouge. Ainsi, ce roman peut être considéré comme un préquel (que l’on me pardonne cet anglicisme) permettant d’ajouter de la texture à Sharko. Ne connaissant pas Train d’enfer pour ange rouge, la découverte de ce jeune inspecteur fut totale.

Loin d’être mauvaise, la trame reste assez classique pour un thriller. Ayant lu des romans de Jean-Christophe Grangé, Maxime Chattam, Bernard Minier ou bien encore Olivier Norek, comparaison est ici raison. Tous ces noms excellent dans cet art de la tension narrative, exercice de style imposé pour qui prétend écrire un thriller digne de ce nom. Sans l’ombre d’une contestation, Frank Thilliez se classe dans le haut du panier. Cependant, je dois confesser une certaine déception quant aux éléments de l’intrigue. Bien qu’habilement menée, elle s’appuie somme toute sur des canons du genre : vaudou, jumelléité, démence… Il m’est impossible de dresser une liste exhaustive pour ne point trop lever le voile sur les mystères que Sharko devra élucider, mais oui, après les critiques dithyrambiques lues ici ou là, je m’attendais à plus d’audace. Cela étant posé, l’auteur connait ses gammes et nous sert une enquête riche en fausses pistes et en rebondissements parfois inattendus. Démasquer le tueur en série qui hante les pages de ce livre ne sera pas une mince affaire. Attendez-vous à frémir plus d’une fois.

« Elle avait le souvenir d’une des diffusions de l’émission de Bernard Pivot, « Apostrophes », il y avait un an peut-être, dans laquelle il avait reçu cet écrivain, Maznef, ou un nom dans ce goût-là. Celui-ci avait prôné en toute impunité la pédophilie dans un programme littéraire, devant des millions de téléspectateurs. Tout cela existait, en pleine lumière qui plus est, elle le savait. Et en huit ans à la Crim, forcément, elle en avait vu… Quelque part, elle était heureuse de ne pas être mère. »

(1991)

Cette chronique de lecture serait incomplète sans évoquer l’époque dans laquelle s’inscrivent ces lignes : le début des années 1990. Je vous parle là d’un temps que les moins de 40 ans ne connaissent pas, un temps où les ordinateurs étaient encore des machines complexes et hors de prix, où les téléphones portables répondaient au nom de Bi-Bop, où les flirts en ligne se déroulaient sur un 36 15 suivi d’un prénom féminin évoquant si possible l’Europe de l’Est. Quel pied de voir Sharko correspondre avec sa dulcinée par fax, écouter dans un walkman une cassette de Gainsbourg qui arrive en bout de face. Des émissions télévisées désormais cultes sont citées comme « La dernière séance ». Ce vernis rétro insuffle une véritable nostalgie qui n’est sans doute pas pour rien dans le succès de 1991.

Ce premier tête-à-tête avec Frank Thilliez se sera avéré des plus sympathiques. Sans parler de révélation, j’ai découvert un auteur vers lequel je reviendrai certainement, ne serait-ce que pour retrouver ces émotions partagées avec Sharko. Sans être le thriller ultime, ce goût de revenez-y est le signe d’une évidente qualité littéraire.

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