Chroniques & autres considérations

AU REVOIR LÀ-HAUT (Pierre Lemaitre)

A

Disons-le d’emblée, le choix du jury pour le prix Goncourt n’est pas toujours des plus heureux. Les petits arrangements entre amis et le jeu des chaises tournantes entre les différentes maisons d’édition ne contribuent guère à un choix éclairé. Il arrive pourtant que certaines années voient émerger un lauréat de qualité. Ainsi est-ce le cas en 2013 d’Au revoir là-haut du talentueux Pierre Lemaitre.

Ce roman d’environ 600 pages vous entraînera dans un récit d’une force phénoménale dans lequel bouillonnent toutes les facettes de l’âme humaine, dans sa grandeur comme dans sa petitesse. Il commence à la toute fin de la Grande Guerre, peu avant l’armistice. Le lecteur se trouve catapulté dans l’horreur des tranchées. Dans ce décor apocalyptique, il fera la connaissance des trois principaux personnages qui constitueront le fil rouge de la narration : Albert Maillard, le modeste employé, Édouard Péricourt, l’artiste flamboyant et Henri d’Aulnay Pradelle, l’aristocrate déchu. Sans rien dévoiler de l’intrigue, sachez que l’acte fondateur qui déterminera la nature des relations entre les trois protagonistes et mettra en mouvement toute la suite se produira au milieu de la boue, des obus et des morts.

« Il savait que la guerre n’était rien d’autre qu’une immense loterie à balles réelles dans laquelle survivre quatre ans tenait fondamentalement du miracle. »

(Au revoir là-haut)

Pour autant, n’allez pas croire qu’il s’agisse d’un roman sur la guerre de 14-18. Seules les premières pages y prennent place. L’essentiel de l’histoire se déroule dans l’immédiate après-guerre, ce moment où l’État porte au pinacle ses disparus tout en cherchant à masquer ces (sur)vivants, gueules cassées ou non, qui ne cessent de rappeler les abominations d’un conflit que l’on voudrait oublier. Sur cette toile de fond, l’auteur dessine toute cette tragique génération perdue d’anciens combattants vus comme des rebuts par la société. Il dresse aussi un tableau sans concessions sur les nombreuses récupérations mercantiles mais aussi politiques des soldats tombés pour la France. Derrière l’intrigue, le réquisitoire est implacable. Précisons également, bien que le récit soit pure fiction, que l’ensemble est fort bien documenté.

Avec Au revoir là-haut, Pierre Lemaitre nous offre une histoire pétrie dans la glaise de notre humanité, faite de violence et de veulerie, d’abandon et de lâcheté mais aussi d’héroïsme et de générosité, d’amitié et d’amour. Au-delà d’un coup de cœur, ce roman est un coup de poing.

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Eathanor

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