Chroniques & autres considérations

LA FAILLE (Isabelle Sorente)

L

Rien ne me prédisposait à lire La faille. Du roman comme d’Isabelle Sorente, je n’avais jamais entendu parler. Parcourant les promotions du moment, c’est en voyant la version eBook de ce titre bradée à 3€99 que je m’y suis intéressé. 3€99 pour 130 000 mots annoncés, le deal me parût plutôt honnête. Ainsi suis-je parti explorer cette faille.

Celle-ci se raconte à travers trois femmes. Lucie, tout d’abord, décrite comme la plus belle fille du lycée, bien née et semblant promise à une vie de femme idéale. Il lui faut plaire en permanence, surtout ne jamais décevoir, quitte à s’oublier jusqu’à la destruction. Mina ensuite, sa meilleure amie, écrivaine de son état qui ne peut s’empêcher de tout noter de façon compulsive pour irriguer ses propres écrits. Issue d’un milieu plus modeste, elle est le reflet opposé de Lucie. Nul besoin de taire ses opinions, d’aller dans le sens de l’autre pour rechercher coûte que coûte sa bénédiction. Bich, femme fantasque surfant sur la poésie aussi bien que sur la provocation, vient compléter ce triptyque féminin.

À ce trio féminin vient répondre un autre trio, masculin. Vincent-Dominique Aubert, dit VDA tout du long du roman, est un être sombre, dans la recherche de l’absolue maîtrise. Rien ne doit échapper à son contrôle. Aucune émotion ne doit le déborder. De prime abord éminemment antipathique, Isabelle Sorente saura malgré tout instiller le doute sur sa véritable nature. Manipulateur, pervers narcissique, quelle béance cache la faille de VDA ? S’il est un des rouages centraux du récit, il faut également citer Jonathan et Eugenio qui auront leur importance respective.

Pour être complet sur les personnages, il convient d’évoquer le rôle des mères qui, bien plus que les pères, est mis sur le devant de la scène. Qu’il s’agisse de mère castratrice ou protectrice, leur apport est essentiel dans la fabrique de la matrice des vies contées dans ces pages.

« La vérité qui sort de la bouche des enfants est une chose, celle qui se fraie un chemin à travers les années en est une autre, elle découpe des ombres denses comme la matière, prêtes à se déchirer, c’est à la noirceur de ses contours qu’on la reconnaît toujours trop tard. »

(La faille)

Au fil des lignes, au-delà de l’histoire de Lucie narrée par son amie d’enfance Mina, le lecteur plongera dans le dédale de vies entremêlées où se cachent ces failles sur lesquelles doivent se bâtir les existences. Plus nous nous enfonçons dans la noirceur de ce récit, plus les remises en cause se multiplient. Une révélation s’avèrera finalement être une fausse piste et inversement. Ne soyez pas étonné si, petit à petit, vous reconsidérez vos premières impressions sur tel ou tel protagoniste. Explorer les failles ébranle les certitudes.

Sur la forme, le livre est merveilleusement écrit. Isabelle Sorente nous livre des images aussi glaçantes que poétiques qui savent renforcer une atmosphère lourde, souvent oppressante, parfois franchement angoissante. Un bémol cependant sur le manque d’aération. Plusieurs fois, j’ai buté sur des phrases exagérément longues. De même, l’ensemble manque d’aération. Je suis conscient que, loin d’être un manque de maîtrise de l’autrice, il s’agit d’une volonté assumée pour engluer le lecteur dans cette ambiance poisseuse. Mais à trop s’engluer, on risque de ne plus parvenir à trouver les pauses respiratoires inhérentes à toute bonne lecture.

Pour peu que vous soyez prêts à vous immerger dans ces eaux troubles où se cachent les prédateurs pour mieux se nourrir de leurs victimes, La faille est un roman hautement recommandable, un voyage qui ne sera pas oublié de sitôt.

Ajouter un commentaire

Chroniques & autres considérations

Eathanor

Juste un internaute parmi d'autres partageant humeurs et coups de cœur au gré de ses inspirations du moment.

Mes territoires virtuels

Sur les réseaux sociaux, je sème ici et là quelques traces assumées. Ma page Facebook est dédiée à mes écrits poétiques tandis que mon Twitter est plus... éclectique :)