Chroniques & autres considérations

CRÉNOM, BAUDELAIRE ! (Jean Teulé)

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Parmi mes poètes fétiches, Charles Baudelaire occupe une bonne place. Sur le terreau d’une adolescence tourmentée, Les Fleurs du mal surent s’épanouir à merveille et enrichir un imaginaire déjà fertile. Lorsqu’au détour d’un article, j’appris que le romancier Jean Teulé venait de publier une biographie romancée du plus célèbre de nos poètes maudits, difficile de ne pas succomber à l’appel de sa découverte. N’ayant jamais lu une seule ligne de l’auteur, c’est sans aucun apriori que j’ai ouvert l’ouvrage.

Loin de moi la prétention de m’affirmer comme une sommité sur la vie de Baudelaire. Il m’a cependant semblé que les faits les plus notoires de son existence sont bien abordés : son amour immodéré pour sa mère, la forte antipathie qu’il nourrissait à l’égard de son beau-père, l’influence majeure de sa muse, Jeanne Duval, à qui au moins une vingtaine de poèmes sont dédiés dans Les Fleurs du mal. Mais l’ensemble étant romancé, il arrive parfois au lecteur de se demander si tel ou tel point est bien authentique ou sorti de la seule plume féconde de Jean Teulé. Ainsi est-ce le cas, peu de temps avant sa disparition, de sa chute dans l’église Saint-Loup à Namur. L’auteur écrit qu’il aurait loupé une marche alors que de nombreuses sources concordantes parlent d’une attaque cérébrale.

Si vous souhaitez aimer l’homme que fut Baudelaire, passez votre chemin. Tout du long de ces lignes, il est décrit comme ce poète punk, misogyne et camé jusqu’à la moelle… qu’il était effectivement. Jean Teulé ne s’embarrasse guère de détails lorsqu’il s’agit d’évoquer sa perversité, que cela soit pour le décrire humant le linge sale de sa mère ou pour narrer ses relations intimes dans lesquelles le sadisme le disputait à la cruauté. Baudelaire est une star de rock’n’roll avant l’heure, aussi méprisable que repoussant. Il déteste son prochain à la mesure de sa propre détestation. Comme pour contrebalancer ce portrait d’une rare noirceur, certains des plus beaux vers du poète parsèment le récit en autant de tentatives plus ou moins réussies de mise en contexte par rapport au vécu de Baudelaire.

« Je vais prier Charles Baudelaire de me foutre comme une catin. »

(Crénom, Baudelaire !)

Sans doute Jean Teulé voulait-il nous offrir l’antithèse d’un manuel scolaire. Et affirmer que l’ensemble est mal rédigé serait mentir. Qui aime l’auteur y retrouvera avec plaisir sa verve et sa plume incisive. Mais cette même verve est à mon sens l’une des principales critiques à émettre à l’encontre de l’ouvrage. Car de la verve à la vulgarité, il n’y a parfois qu’un pas qui est ici allègrement franchi. Les multiples grossièretés qui émaillent le propos nuisent au texte et gâchent considérablement le plaisir de la lecture. En outre, l’image renvoyée de Baudelaire est si négative qu’elle en devient discutable. Peu d’hommes sont détestables de bout en bout. Chacun comporte sa part d’ombre et de lumière.

Nul doute que celles et ceux souhaitant lire du Jean Teulé y trouveront leur compte. En revanche, si ce que fut la vie réelle de Baudelaire vous intéresse, préférez d’autres biographes comme Claude Pichois.

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